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Blogueur, auteur prolifique de romans policiers, président (et membre le plus scandaleux) du Tankerville Club de Cincinnati, les raisons ne manquaient pas de demander à Dan Andriacco de nous accorder une interview Holmésienne. Mais c’est sur son nouveau rôle de rédacteur en chef du Baker Street Journal que nous avons décidé de l’interroger.
La Gazette du 221B : Bonjour Dan, pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours holmésien?
Dan Andriacco : Permettez-moi de commencer par dire que je suis le membre le plus scandaleux du Tankerville Club de Cincinnati (Ohio), c’est-à-dire le leader du club. Je vais vous raconter comment j’en suis arrivé là !

Cela n’a pas commencé avec Basil Rathbone. Je ne me souviens même pas de la première fois où j’ai vu l’un de ses films de Sherlock Holmes à la télévision, mais c’était certainement tard dans la nuit, dans les années 1960. En revanche, je me souviens du sentiment de déception que ces films m’ont procuré. Ce Holmes ne ressemblait pas du tout aux illustrations de Sidney Paget ! Et qui était ce bouffon qui portait le nom de Watson ? Il n’était pas du tout le vaillant médecin des récits de Conan Doyle. J’avais rencontré Sherlock Holmes pour la première fois dans le monde des livres, et pour moi aucune version cinématographique n’a jamais été à la hauteur.
C’est un ami d’enfance nommé Ralph Eppensteiner qui m’a initié. Dans son salon, il y avait des bibliothèques de chaque côté de la cheminée. Et dans ces bibliothèques se trouvaient les rééditions A.L. Burt Co. des Aventures de Sherlock Holmes, et une collection intitulée Tales of Sherlock Holmes. J’ai emprunté le recueil des Aventures et j’ai lu : « Pour Sherlock Holmes, elle est toujours La Femme. ».

Comme au moins deux générations avant moi, les premiers volumes dans lequel j’ai lu des histoires de Sherlock Holmes étaient des éditions destinées aux jeunes garçons : The Boys’ Sherlock Holmes, édité et préfacé par Howard Haycraft (l’époque n’était pas très égalitaire, mais je suis sûr que des filles ont lu ces histoires aussi). Mais le premier livre de Holmes que j’ai possédé était l’édition bon marché Whitman Classics des Aventures avec une illustration de La Ligue des rouquins sur la couverture.
Au bout de quelques mois, ma fortune personnelle s’est élevée jusqu’au point de pouvoir fournir à mes parents les 5,50 $ nécessaires à l’achat par correspondance de l’intégrale de Sherlock Holmes en un volume dans l’édition Doubleday. Un soir, je suis rentré du collège et me suis trouvé face à un monticule suspect caché sous un torchon blanc. Est-ce seulement dans ma mémoire que ma mère l’a soulevé avec une théâtralité qui rappelle celle de Holmes dans Le Traité naval ? Le livre était arrivé ! Et il y avait plus que les histoires. Le Livre (qui mérite une majuscule, comme mon ami Steve Winter l’a toujours souligné) était complété par la prodigieuse préface d’un dénommé Christopher Morley que l’ai lue et relue.
Avec cette édition intégrale, j’ai découvert certains des derniers récits pour la première fois. Dès que j’ai lu Son dernier Coup d’archet, j’ai copié le dernier échange entre Holmes et Watson et je l’ai déclamé avec flamme aux autres enfants de l’école. La plupart d’entre eux n’ont pas été impressionnés. Mais encore maintenant, ces mots me donnent toujours le frisson, ces mots que je connais par cœur : « Un vent d’Est se lève, Watson. »
Quelques années plus tard, en suivant un cours optionnel de fiction policière à l’Université Xavier de Cincinnati dans les années 1980, j’ai rencontré Paul D. Herbert, BSI, fondateur et secrétaire officiel du Tankerville Club. J’ai assisté à une première réunion en janvier 1981 et rapidement rejoint ce club, affilié aux Baker street Irregulars de New-York.

L’appartenance au Tankerville Club – du nom d’un club mentionné deux fois dans le Canon – a été l’un de mes points fixes au cours de toutes les années qui ont suivi. Et lorsque le secrétaire officiel est passé au-delà des chutes du Reichenbach en 2018, sa veuve m’a demandé de prendre la relève. Je l’ai fait, mais Paul reste le secrétaire officiel tandis que je suis membre le plus scandaleux par référence au « scandale du Tankerville Club » que de John Openshaw mentionne dans Les cinq Pépins d’orange.
G.221B : Vous venez de devenir le nouveau rédacteur en chef du BSJ. Vous êtes-vous porté volontaire pour ce rôle ?
D.A : Pas du tout !! Ça ne me serait jamais venu à l’idée !
G221B : Alors, racontez-nous comment vous avez été nommé.
D.A : Steven Doyle, l’éditeur, m’a demandé de le faire, peut-être parce que j’ai édité des anthologies holmésiennes et que j’ai déjà exercé le métier de rédacteur en chef économique d’un quotidien.
G221B : Envisagez-vous garder ce rôle de rédacteur en chef aussi longtemps que Steve Rothman, ou êtes-vous partisan d’un turn-over plus fréquent ?
D.A : Dans la mesure où j’ai 70 ans, il est peu probable que j’exerce cette fonction 23 ans comme Steve. Mais qui sait ? En tout cas, j’espère bien tenir le poste plusieurs années.

G221B : Quelle est, selon vous, la place du BSJ dans le monde holmésien ?
D.A : Le BSJ est publié par les Baker Street Irregulars, mais il ne s’adresse pas uniquement aux Baker Street Irregulars. C’est la plaque tournante des échanges du monde holmésien, la publication qui unit les Holmésiens du monde entier, parce qu’elle est lue dans le monde entier.
G221B : Parlez-nous de votre histoire personnelle avec le BSJ. Depuis quand êtes-vous lecteur ? De quel sujets ou type d’article êtes-vous le plus friand ?
D.A : Le numéro le plus ancien que je possède date mon premier abonnement, c’est-à-dire de décembre 1971. J’aime lire toutes sortes d’essais, y compris de l’analyse littéraire, des recherches sur le contexte historique, les nouvelles théories sur des questions qui ont longtemps intrigué les holmésiens, et des articles sur les grandes figures holmésiennes.
G221B : Et en tant que contributeur ? Quand avez-vous publié votre premier article dans le BSJ ? De quoi parlait-il et comment vous sentiez-vous quand vous l’avez envoyé et quand il a été accepté ?
D.A : Mon premier essai dans le BSJ s’appelait « Gothic Holmes : Dark Shadows in the Canon », qui fut publié dans le numéro du printemps 2017. J’y examine de nombreuses histoires de Holmes qui contiennent des éléments de fiction gothique. C’est ce que j’entends par analyse littéraire. Je ne me souviens pas précisément de ma réaction quand il fut accepté par le rédacteur en chef, mais je suis sûr que j’étais extrêmement heureux.
G221B : Comment s’est déroulée la publication du premier numéro que vous avez dirigé ? Avez-vous ressenti beaucoup de pression ?
D.A : Il y a eu une phase d’apprentissage pour maîtriser les questions de mise en page, mais Steve Doyle a dit qu’il pensait que cela s’était plutôt bien passé. Oui, il y avait de la pression, mais aussi une grande satisfaction lorsque la tâche était terminée.
G221B : En quoi le rôle de rédacteur en chef s’est-il révélé différent de ce à quoi vous vous attendiez ?
D.A : La mise en page des articles en respectant une charte graphique (les polices de caractères, les marges, le style de note de bas de page, etc.) prend plus de temps que je ne le pensais. J’ai également eu plus de contacts que prévu avec les auteurs, pour les guider et les conseiller, et cela a été très agréable.
G221B : Avez-vous l’intention d’apporter votre touche personnelle au magazine ? Si oui, comment ?
D.A : c’est un peu inévitable qu’un ou une rédacteur.rice en chef appose sa marque sur une publication. Les critères des textes que j’accepte et la façon dont je les révise seront différents des neuf éditeurs officiels qui m’ont précédé. Cependant, cela n’est pas nécessairement visible pour les lecteurs. Ce à quoi ils peuvent s’attendre, comme je l’ai écrit dans mon premier édito, je privilégie la variété concernant le choix des auteurs le type et la longueur des articles.
G221B : Comment vos activités d’auteur et de rédacteur en chef se combinent-elles ?

D.A : Ça, c’est un peu délicat. En révisant un essai pour la publication, je fais des modifications pour rendre l’écriture plus lisse, plus claire, pour éviter les répétition et en restant fidèle à l’identité du magazine. Le défi est de faire tout cela sans altérer le style distinctif de l’auteur.
G221B : Et dernière question, bien sûr, quels sont vos projets holmésiens ?
D.A : En plus d’être le membre le plus scandaleux du Tankerville Club et directeur du programme de la conférence annuelle Holmes, Doyle, & Friends qui a lieu à Dayton, Ohio, j’édite la série d’anthologie biographique The Essential Sherlock Holmes, qui compte quatre volumes. Lorsque les troisième et quatrième volumes seront publiés, je ne compte plus en éditer. Le BSJ m’occupe largement assez !
propos recueillis et traduits par Fabienne Courouge